L’exil, le roman de Ndack Kane : une réminiscence à la vie estudiantine en terre étrangère avec ses hauts et ses bas


Crédit photo : Sali 
En ces temps sombres dus à la pandémie mondiale qu’est la Covid-19, n’est-il pas opportun de relire l’exil ? En ces moments où l’exil demeure impossible parce que des êtres confinés, nous sommes devenus … temporairement.  Nous ne pouvons plus partir ni trop tôt encore moins trop loin pour reprendre les termes de l’autrice. Le temps est suspendu aux humeurs d’un être infinitésimal parcourant impitoyablement le monde au gré de sa virulence avec des haltes et des accélérations. Mais hélas, on arrête la déprime due au confinement pour s’exiler avec la plume de l’autrice Ndack Kane. L’exil est le premier tome de la trilogie « Partis trop tôt, trop loin », qui fera l’objet de notre article. Publiée en 2009 aux éditions Phoenix, l’œuvre est qualifiée par l’autrice sénégalo-canadienne de « roman sous forme de témoignage ». 

Pour les nostalgiques, ce livre vous fera sans doute revivre vos souvenirs de l’époque estudiantine en terre étrangère. Pour les jeunes à la quête de l’avenir, s’imprégner de ce livre, c'est mieux vivre votre futur exil. Anticiper les peurs, les questionnements, et les doutes. L’utilité de (re) lire Ndack, une orfèvre de la langue française, est de saisir et de comprendre les vicissitudes et les doutes liées à l’immigration fut-elle choisie et légale. 

Les premières pages du livre nous rappellent ce douloureux moment des adieux à notre patrie, aux parents et amis avec des valises lourdes comme le cœur d’ailleurs du moins pour une bonne partie des personnes qui ont eu à connaitre l’expérience de quitter leur pays. Un voyage qui marque le début d’un aller au retour incertain. Tout étudiant africain parti pour les études à l’étranger connait ce sentiment aigre-doux partagé entre la curiosité de découvrir l’Ailleurs au climat individualiste et la tristesse de laisser une communauté inclusive ou le « nous » prime sur le «je ». Mais n’est-ce pas cette différence qui rend l’aventure riche ?  Marème, le personnage principal, prend ainsi le long chemin de l’immigration estudiantine pour poursuivre ses études en Amérique du Nord. Un ailleurs aux goûts inconnus, un ailleurs aux chemins mortifères aussi puisque c’est le même chemin qu’arpente les milliers de jeunes africains chaque année pour assouvir les désirs matériels de toute une famille, les diktats implicites d’une société, voire les charges psychologiques imposées subrepticement depuis l’enfance. Selon l’économiste-autrice, « en ce moment en Afrique, beaucoup rêvent de partir. Puis ceux qui partent pour plusieurs années rêvent de revenir. Enfin, ceux qui reviennent ont parfois du mal à se réintégrer à la vie sous les tropiques et il y a des jours ou ils se demandent s’ils ne sont pas revenus trop tôt ». Mais fort heureusement, le ton du livre est moins glauque que la tragédie sempiternelle causée par l’immigration clandestine choisie par des milliers de jeunes, un phénomène banalisé, à tort, par les politiques en Afrique. 

« Canada était pour elle synonyme d’évasion. Vivre en Amérique. Il allait falloir s’adapter, tout recréer, les amis comme les habitudes Une nouvelle page blanche s’ouvrait pour elle. (..) Au final, une culture nouvelle, hybride, s’est inscrite sur cette belle page blanche »

Le récit du livre est descriptif et narratif. Le ton est aussi engagé.  Marème, cette sénégalaise, nouvelle bachelière, prête à continuer ses études au Canada et appartenant à la classe aisée de Dakar, capitale du Sénégal, pose, tout en interpellant les lecteurs, des questionnements sur l’Afrique, sur le destin de ceux qui sont partis pour étudier, leurs choix post-études. L’autrice dépeint tout cela dans un climat parfois vespéral marqué par les caprices de l’hiver québécois avec ses tempêtes de neige au vent agressif.

Crédit photo: Rabia

Une Marème à l’identité hybride : des racines panafricanistes, des branches montréalaises et des feuilles aux couleurs françaises 


« Elle se tourne vers l’Est. Là, depuis l’Amérique, elle devine au-delà de l’horizon, l’Europe au Nord et l’Afrique au Sud. Trois continents dont les liens se sont tissés dans le sang depuis l’inoubliable commerce triangulaire. Marème pensait que l’entrelacement de ces liens avait l’allure d’une simple tresse ». 

Tout au long de la narration, on est marqué par le grand intérêt de Marème concernant les maux de l’Afrique. Ce personnage aux analyses profondes et pointues, ne se veut pas défaitiste. Bien au contraire, il croit au potentiel de l’Afrique et à son lendemain. Ndack décrit aussi les couleurs de la vie estudiantine en France à travers le personnage d'Ousmane, étudiant sénégalais à l’université de Nanterre, Paris. 

« Partir ou rester. Participer à l’avancement du pays en étant sur place où constituer un pont entre l’Occident en intégrant la diaspora. Un choix difficile mais il faudra bien prendre une décision à un moment donné et l’assumer ». 

De Montréal à Paris, entre questionnements, doutes et peurs, les deux jeunes sénégalais, Marème et Ousmane, questionnent l’avenir. Partageant ainsi leurs incertitudes mais pas seulement, un début d’histoire d’amour naitra entre les deux immigrés 

Du climat sahélien de Dakar aux tempêtes de neige de Montréal


Au fil de la trame, Ndack promène ses lecteurs dans les rues de Montréal. De la rue St-Denis à l’avenue des Pins, elle nous donne les échos livresques du fameux Mont royal. Marème « avait trouvé ce vent très agressif. Aujourd’hui, ce froid incisif lui avait fait terriblement de bien », affirme-t-elle. Pourtant malgré le grand contraste climatique, la Québécoise a réussi à s’intégrer et à porter dans son cœur son pays d’accueil. 
Marème et Ousmane, entre doutes et fougues, quel destin ensemble ? L'exil nous le dit …

La trilogie Partir trop tôt, trop loin est composée de trois tomes : 
L’exil, L’envol et La Quête. 


Bonne Lecture !

Crédit photo : Sali

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