Revenir au Sénégal après des années vécues à l’étranger : cinq préjugés sur le retour au pays

Source : destinationafrique.io

Tout d’abord, je dois préciser deux choses. Premièrement, les idées avancées dans cet article sont basées sur des faits, conversations et observations.  Faute de temps (et d’argent aussi, haha !!!), je ne pouvais en faire un article reposant sur des données exploitées et renforcées par une analyse quantitative. Deuxièmement, chaque expérience demeure, évidemment, unique et personnelle. Cependant, sur la base d’une somme d’expériences, on peut se permettre de faire une analyse globale en prenant en compte les différents cas d’espèce. Tout ce discours solennel pour vous dire de ne pas juger mon article et de ne pas en faire une généralisation. Soyez indulgents avec moi, mesdames et messieurs, car il reflète seulement des expériences et pas toutes les expériences de retour. 
 
Sur ce, on peut commencer le palabre hein ! 
 
Préjugé n°1 :  une intégration professionnelle facile 
 
En guise de rappel, préjugé veut dire une idée préconçue. Bref, l’intégration pro, ce mythe qui nous a fait tant saliver quand on était de l’autre côté de l’océan atlantique. Revenir, être parmi la classe nantie avec une belle voiture et être entouré d’aides domestiques. Exactement, ce fut le cas il y a quelques années lorsque faire ses études, particulièrement en France, était élitiste. Ce n’est plus le cas chers lecteurs. Par conséquent, revenir au Sénégal et galérer à trouver un boulot est bien une réalité. J’en ai connus qui ont tellement galéré qu’ils ont décidé de retourner au pays d’accueil. En effet, certains employeurs ne mettent pas/plus le prix car beaucoup de formation sont accessibles au Sénégal, donc il n’y a plus ce besoin d’antan de chercher cette perle rare ayant fait une formation quasi-introuvable sur le marché sénégalais. C’est un secret de polichinelle que certains employeurs aussi appréhendent d’embaucher un profil ayant fait ses études à l’étranger du fait de la prétention salariale qu’ils jugent a priori élevé sans pour autant prendre le temps de négocier. 
 
Cependant, avoir certaines compétences peut te faire rapidement sortir du lot comme la maitrise d’une langue étrangère ou d’un domaine pas encore développé sur le marché sénégalais. Il faut vraiment avoir une valeur ajoutée par rapport à la masse grâce à tes compétences pour espérer quelque chose dans ce pays. A moins que tu aies la chance de bénéficier de ce fameux ‘bras long’. Et encore quelle sorte de bras long ! Si c’est pour gagner des marchés à travers l’entreprenariat, ton étoile reste bénie mais si c’est pour être parachuté dans l’une des agences de l’État, tant mieux mais ton compte bancaire n’en ressentira vraiment pas la différence.  
 
Préjugé n°2 :  Facile de trouver un mari/femme 
 
Parlons peu et vrai, je trouve que les gens ont plus la ‘chance’ d’être courtisé dans la rue (je n’encourage PAS qu’on harcèle les gens dans la rue, soyons clairs !) au Sénégal qu’à l’étranger où tout acte peut-être vu comme un harcèlement (envers la femme comme l’homme). Toutefois, j’aurai préféré qu’on ait une législation aussi sévère sur le harcèlement au Sénégal. 
 
Au Sénégal, la réalité reste très différente. Ici, on t’interpelle à tous les coins de rue parce que tu es beau ou charmante. Cependant, ce n’est pas pour autant que c’est facile d’y trouver son âme sœur. 
 
Avoir des dating à Dakar pouvant aboutir à du sérieux pour une femme célibataire ayant déjà vécue à l’étranger est un parcours du combat. Parce que tu es une femme ayant migré chez les toubabs, on ne te verra pas d’un très bon œil au premier abord, très souvent. Cette image de la femme anticipée, féministe, moderne et libre d’esprit revient fréquemment . Mais ce n’est pas le plus mal. Pour avoir discuté avec des filles qui sont de retour aussi, le principal souci c’est l’opportunisme. Les rapports sont souvent biaisés dès l’entame de la relation car étant femme, cadre, une certaine catégorie d’hommes pense trouver la bonne fermière à racketter d’où l’importance d’avoir les pieds sur terre, de faire valoir les sentiments certes, mais avec un principe d’autonomie bien ancré dans le couple et cela dès le début de la relation. Encore une fois, il est important de noter que je ne généralise point. Je sais que certains hommes resteront toujours dignes, généreux et désintéressés. Bref, ladies, ne jamais essayer d’acheter l’amour d’un homme par le mariage, ça viendra quand ça doit venir ! On est bien d’accord que chacun est libre de donner à un quidam son argent mais des anciennes repats ont fustigé cet état de fait en discutant avec moi plusieurs fois d’où l’importance de le mentionner pour nos futures-sœurs-repatriées de retour au pays.
 
Préjugé n°3 :  Cohabitation facile avec la famille
 
Qui dit retour, dit réadaptation. Un concept bien facile d’utiliser mais ô combien difficile à mettre en œuvre. Il y en a qui ont eu la chance de vivre en famille quand ils faisaient leurs études à l’étranger mais la plupart du temps, on vit isolé, souvent dans une résidence universitaire qui ressemble plus à un dortoir. Les plus chanceux seront dans des studios, mini appartements mais toujours loin de cette absence de chaleur humaine. Et je ne parle même pas des répercussions sur notre humeur surtout en hiver – rien que d’y penser, je grelote! 
 
Ainsi donc, avec un tel contexte, retourner au pays et vivre avec les proches devient un rêve. Seulement, on oublie que l’exil a inéluctablement changé quelque chose en nous, avec des habitudes et attitudes souvent inconscientes acquises au cours de nos années estudiantines. Tous ces facteurs, ajoutés au fait que les parents qui te voient comme un gros bébé avec leur diktat, ne facilitent pas la vie en famille. Une bizarrerie que j’ai relevée : malgré le fait qu’on ait vécu seul à l’étranger, une fois de retour au pays, certains parents rechignent à accepter de nous laisser habiter seul, d’avoir notre propre logement. Le mariage est souvent la condition sine ne qua none pour une telle liberté pourtant précieuse et nécessaire pour un jeune-adulte. Préparez-vous mentalement avec un tel choc ou négociez votre déménagement avec l’aide des tontons et tatas ouverts d’esprit, ha ha ha ! 
 
Préjugé n°4 : Intégration sociale facile
 
Le fait de naître et de grandir au Sénégal (pour certains) fait qu’on néglige souvent ce facteur. Il n’est pas facile de se réintégrer pour plusieurs raisons. D’abord, les mentalités diffèrent énormément entre l’Occident et le Sénégal. Ainsi, vivre des années sans qu’on cherche à savoir ce que tu fais, limite tu avais des voisins qui se foutaient éperdument de ce que tu faisais. Et bim, tu te retrouves dans un environnent où tes faits et gestes sont observés. Pis, tu seras jugé pour tes choix et décisions.  Reste à savoir si tu va choisir d’être marginalisé avec le fameux « dafa toubabé » « Dafa compliqué ». Préparez-vous-y !
 
L’autre raison c’est le manque de rigueur et de professionnalisme et la lenteur administrative. Dans la plupart des administrations privées ou publiques, obtenir un papier peut te prendre plusieurs jours. Les emails, n’en parlons même pas. Tu dois tout écrire, imprimer et déposer dans ce pays. A l’hypermarché ou au restaurant, tu trouveras parfois une serveuse/caissière insolente qui, en plus de ne pas dire bonjour, ignore tout simplement ta salutation. Le service clientèle est un vrai problème dans ce pays !
 
La ressource humaine, n’en parlons même pas. Pour gérer un business tu auras des employés qui auront des absences 10 fois pour maux de tête, 20 pour des cérémonies familiales/nationales et 5 à cause de la pluie. Sans oublier que tu dois répéter 10 mille fois les instructions pour ne pas pleurer après la livraison du service. Par exemple, trouver une aide domestique qualifiée est devenue un véritable parcours du combattant à Dakar. Fini l’époque où on avait le thieb prêt à midi. Il faudra s’adapter pour bien gérer sa maison et/ou son business en ne comptant d’abord que sur soi! J’ai remarqué que le business des libanais se porte très bien à Dakar. Mais j’ai aussi constaté que le gérant est souvent le propriétaire lui-même, supervisant tous à la loupe. Une bonne stratégie à copier pour ceux qui veulent se lancer dans l’entreprenariat à leur retour.  
 
 Préjugé n°5 : Économies / Meilleure gestion financière 
 
Dakar est une ville extrêmement chère. J’ai l’impression que les services sont plus destinés aux expats-travailleurs et/ou diplomates qui gagnent parfois 10 fois plus  que les locaux.  Tout est cher à Dakar ! Les salaires ne sont pas aussi conséquents qu’à l’étranger. Je ne parle même pas de l’administration fiscale sénégalaise qui demeure sans pitié pour les cadres-célibataires sans enfants. Si vous comptez revenir surtout en n’étant pas marié, il faut négocier votre salaire en net. Sinon vous n’aurez que vos yeux pour pleurer. 
 
Bonne chance car vous en aurez besoin futur(e) s repats ! 

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